Mahanayim : deux camps



Mahanayim est un livre d'artiste composé de deux livres entremêlés, à la fois autonomes et interdépendants. Images et mots se déploient à travers les pages s'ouvrant à droite, puis à gauche. 

 Le mot Mahanayim (les deux camps en hébreu) apparaît dans le livre de la Genèse (32, 1-2), quand Jacob revient d’exil. Au seuil du Jourdain, en voyant deux anges, il nomme le lieu Mahanayim. Jacob craint la vengeance de son frère de l’autre côté. Le fleuve-frontière devient alors le théâtre de passages successifs, celui de ses femmes, enfants, serviteurs et bétail. Mais aussi le sien, intérieur, de l’angoisse à la confiance. Dans cet entre-deux il combat finalement contre Dieu lui-même et reçoit un nom nouveau. 

Dans le Cantique des Cantiques (6,13), la femme aimée est comparée à une danse de deux camps : Mahanayim. Comme Jacob, elle est sur un chemin de retour. Ici, il n’est pas question de combat, mais d’une danse de guerre. Grâce et violence s’entremêlent. Au terme de celle-ci, elle aussi reçoit un nom nouveau qui lui donne d’advenir à elle-même : Shulamite, littéralement, pacifiée.  

Mahanayim évoque alors l’expérience du passage mais aussi celle de l’appel à demeurer sur une ligne de crête, entre deux camps, deux terres. Sans être politique, ce livre interroge les frontières. Celles entre Israël et Jordanie, Golan et Syrie. Lignes de séparation ou de jonction, espaces parfois, ou passages sans identité, la frontière appelle l’inconnu : appréhension et désir. S’y tenir, c’est veiller sur les deux camps, et se laisser transfigurer.